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nak'n roll
1 août 2007

Les chemins de grande route

Nous marchions ensemble depuis la dernière glaciation, clopin-clopant sur les chemins de grande route où, avant nous, bien d’autres contempteurs de la race humaine avaient usés leurs semelles.

Ma sybarite compagne se lassait de cette vie d’errance, elle qui fut jadis courtisane des somptueuses cours d’Orient et d’Occident. Elle me parlait souvent des nuits orgiaques qu’elle avait connu dans les palais romains du cruel empereur Domitien et la volupté ressentie dans les bras des roi Moghols.

Moi je ne disais rien. Je restai muet à contempler les constellations d’étoiles qui se succédaient dans ses yeux. J’y voyais Cassiopée régner sur son Ethiopie lointaine et sa fille Andromède épouser Persée ou bien encore la faible lueur rougeâtre de Proxima du Centaure où jadis nos bottines ailées nous avaient porté.

    Nous marchions tous les jours à travers le monde poussés par une force irrésistible qui nous avait fait quitter le jardin d’Eden, un jour de mai vers vingt heures trente. Nous n’avions déjà plus d’illusions quant au devenir de l’Humanité. Et pourtant…

 Amoureux éternels, nous avions souffler à l’oreille d’un scribe indien tous les secrets de l’amour charnel. Il ne se passait pas un jour où nous n’aiguisions pas nos sens aux plaisirs subtils ou grossiers.

Un jour nous chevauchions au coté des tribus barbares qui déferlaient depuis leurs steppes sur l’Occident. Les yeux bridés de nos compagnons terrifiaient quiconque avait le malheur de croiser notre horde.

Un autre jour nous nous reposions à l’ombre des treilles des jardins de Babylone, sans daigner entendre les cris des esclaves.

La nuit, nous griffonnions des messages obscènes au plus profond des grottes. Nous évoquions ces sabbats antédiluviens où les corps se mélangeaient dans des transes animales. Nous étions ces bêtes. Bien souvent ils nous arrivaient d’hurler à la mort, les soirs de pleine lune, au sommet d’une colline ou d’un promontoire rocheux.

Mon amour d’alors aimait terrifier les peuplades autochtones qui se prosternaient devant nos images rêvées. Regardez quelquefois le ciel d’une nuit d’été et vous pourrait peut être y contempler nos visages, voir danser les cheveux de ma dulcinée au rythme des vents solaires et bouger nos hanches réunies aux sons mélodieux d’antiques flûtes de Pan.
    Nous marchions ainsi depuis la dernière glaciation, traînant nos guêtres sur les chemins de grandes routes, balisés de charniers. Une voie pavée de crânes et d’os brisés, ou nos pas font raisonner des milliards de souffrances additionnées.

Un chemin ardu qui ne nous a pas épargné. Nous avons connu les geôles putrides et les asiles psychiatriques où l’on enfermait ceux que la société rejette.

Aucun dogme ne m’influençait pourtant ; tu étais ma seule idole ; tes cheveux, tes yeux bleus, tes seins et ton cul, oh oui ton cul ! image terrestre de ton cœur merveilleux.

Combien de fois je t’ai vu brûler sur un de ces bûcher dressés à Grenade, Toulouse ou Tenochtitlán. Je te voyais rire au milieu des flammes qui dansaient et te léchaient. Tu riais comme une démente. Jamais tu ne te souciais de la haine, des quolibets et des crachats de la foule répugnante qui rampe quotidiennement jusqu’à sa mort. La féminité et le savoir a toujours fait peur à la masse préférant défiler au bruit des bottes ou des chaussures à crampons.

Combien de fuites et d’exodes avons nous connu ? Peu m’importe car nous étions réunis sur ces chemins de grande route le long desquels nous campions chaque nuit sous la pale lumière de l’astre lunaire. Nous nous blottissions l’un contre l’autre sans nous soucier de nos haillons et de nos corps crasseux. Nos lèvres se mélangeaient et nos âmes conversaient…

…comme elles conversent encore, quand dans notre couche blottis, nos corps cheminent au son de ta bouche ravie, sur ces chemins qui nous conduisent tout droit dans ces contrées voluptueuses qui sont les notre depuis la dernière des glaciations, il y quelques millions d’années, quelques jours, quelques secondes ou peut être une éternité...

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