La dernière des Ptolémées
Hier soir j’ai vu une curieuse enfant marcher dans la rue. Un petit chien famélique boitait à ses côtés.
J’ai cru reconnaître la dernière des Ptolémées.
Celle qui, attristée, meurt
empoisonnée.
Celle dont le sang trop bleu s’écoule promptement trop pressé
d’assister à son enterrement.
Elle errait le regard vague, suivant les pas de son chien trop las pour aboyer.
Elle s’approcha de moi timidement et me fit comprendre dans le langage des cygnes qu’elle
était perdue et indigne et qu’elle était condamner à arpenter sans fin la rue
sordide d’une ville sans nom plongée à jamais dans une nuit noire et glacée. Telle la
petite fille de Prométhée celui qui souffre, tous les soirs, un éternel
cauchemar.
Elle était seule, avec son chien et sa poupée de chiffon comme unique famille.
Phryné, sa mère, avait cessé de vomir des mots doux dans le
cou de ses amants de passage depuis que les rides ravageaient son visage. Et
pourtant sa petite avait fui le girond maternel, ne supportant plus de
voir sa génitrice se maquiller le blanc des yeux avec des lames de cutters
usagées.
Son chien, un peu cabot, lui fait remarquer qu’elle marche
sur la tête
Son esprit piétine et ses yeux se brouillent. La morsure de
vipère lui brûle la carotide. Elle se souvient qu’Antoine s’est tué pour elle
et que la bataille d’Actium lui a brûlé les ailes.
Ce n’est qu’une enfant, une môme éternelle, une apatride en quête d’un nouveau
régicide.
Cette reine sans couronne recherche son pygmalion. Phidias rappelle toi d’elle.
Rends lui la vie, détruis ton Parthénon. Honore celle qui s’est opposée à
Priape par le pouvoir de son sceptre et la douceur de ses seins.
Je ne sais plus qui elle est ni d’où elle vient.
Elle traverse le temps, brûle Persépolis, provoque Pouchkine
en duel.
Elle déambule dans cette rue, si seule malgré sa poupée
déchirée et son chien décharné.
Elle est une muse antique à la recherche de sa gloire passée perdue dans la modernité.
Le con damné et l’esprit embaumé, elle maudit Khephren et
Alexandre, César et Bonaparte, le grand Khan et Charles Quint ; tous ceux ayant
voulu, un jour, dompter le monde, comme elle.
Peut être cherche t’elle
Elle ne croit plus en moi, elle ne croit plus en toi, elle
ne croit plus en rien.
Son destin m’a croisé sans même me regarder.
Elle est celle sur laquelle l’anathème a été proféré.
Intronisée reine par un pouvoir tronqué et hypocrite, elle
lui a abandonné son intégrité physique.
Dans cette rue déserte, une petite fille maudite tombe dans le ruisseau pour
toucher les étoile. Telle une toile où des pinceaux usés comme ses cordes
vocales esquissent un avenir en forme de pierre tombale. Ses gestes sont explicites, elle recherche l’amour.